Les principes d’accompagnement sont fondateurs du contrat d’accompagnement qui nous lie avec les personnes accompagnées. Ils sont le fondement d’une démarche de bientraitance, en agissant au plus près de la personne et de son environnement.
Faire de la société inclusive un levier d’émancipation
Les pratiques inclusives sont au cœur de tout accompagnement que nous proposons.
Nous considérons que la société inclusive est garante de l’accès de tous aux droits communs : droit à l’éducation, à la culture, aux loisirs, aux soins, à la vie sociale et à l’emploi.
Nous considérons que les pratiques inclusives sont au fondement même de la raison d’exister des ITEP : permettre le maintien ou le retour en milieu «ordinaire».
Une recherche scientifique menée par les ITEP en Rhône Alpes montre que les dispositifs « hors les murs » améliorent l’évolution des situations individuelles.
Le rapport IGEN-IGAS 2017-170 est suffisamment précis que nous nous permettons de reprendre in-extenso son contenu.
« Après 4 années de séjour en moyenne, il est observé que : pour les deux ITEP fonctionnant «hors les murs» (HM) 20 % des sujets sortent sans orientation ; 60 % sont orientés vers l’enseignement général ordinaire ; 15 % présentent encore des accès de violence (contre 30 % à l’entrée). Pour les deux ITEP fonctionnant «dans les murs» (DM), 50 % des sujets sortent sans orientation ; 40 % sont orientés vers l’enseignement préprofessionnel ; 30 % présentent encore des accès de violence (pourcentage inchangé par rapport à l’entrée) ».
Le rapport de recherche qui plaide pour le « Hors Les Murs » explique ces différences de résultats par « un processus de contamination » négatif dans le fonctionnement « Dans les Murs », empêchant l’évolution du sujet. Inversement, « des interactions systémiques » positives dans le fonctionnement « Hors Les Murs » permettent l’organisation de mouvements individuels quotidiens du « dedans vers le dehors » et du « dehors vers le dedans » facilitant l’adaptation sociale des publics.
Ainsi, l’analyse clinique des deux cohortes portant sur des populations comparables, a mis en évidence des différences notables dans l’adaptation sociale des sujets :
- 70 % d’adaptation sociale réussie après trois ans d’affectation en ITEP pour les enfants et les adolescents de la cohorte HM ;
- 20 % pour les enfants et les adolescents de la cohorte DM.
L’étude du professeur Guillarmé montre ainsi la valeur ajoutée d’un accompagnement désinstitutionnalisé (c’est-à-dire, hors des murs des institutions médico-sociales), et invite à renouveler les pratiques professionnelles (primauté du projet qui fédère les interventions et évite l’addition des prestations, inclusion parentale, réévaluations régulières, etc.). L’un des constats du rapport de recherche est que l’adaptation sociale des enfants et adolescents au sein des dispositifs dits « hors les murs » est d’autant plus rapide que les dispositifs sont plus ouverts sur le monde extérieur. Cet effet est lié au processus de « désinstitutionnalisation » qui sollicite les facultés d’adaptation du sujet à trois niveaux : en le confrontant à des situations nouvelles, en enrichissant et en complexifiant l’écosystème familier de l’enfant et de l’adolescent par confrontation à la norme, en favorisant l’avènement du sujet autonome.
L’étude clinique fait également ressortir des réorientations précoces pour les deux cohortes (HM et DM). Celles-ci concernent au cours de la première année d’admission 18 % des jeunes en accompagnement DM et 25 % des jeunes en accompagnement HM. L’explication de ces réorientations est très différenciée en fonction de la nature de l’accompagnement, selon les termes du rapport de recherche : si l’on excepte les raisons administratives ou privées (changement de famille d’accueil, déménagement, etc.) qui représentent environ 5 % des cas, l’étude clinique fait apparaître dans les cas restants (un sixième des enfants et adolescents adressés aux établissements) deux catégories de raisons opposées :
- soit une amélioration très rapide du comportement : cohorte1 HM : 50 % des cas – cohorte 1 DM : 25 % des cas ;
- soit la présence de troubles sévères de la personnalité et/ou de conduites sociales déviantes et violentes conduisant souvent à une orientation vers un autre ESMS, notamment chez les sujets les plus âgés : cohorte 1 HM : 50 % des cas – cohorte 1 DM : 75 % des cas. De plus, les évolutions individuelles de la situation des jeunes dans la durée se différencient sensiblement dans l’analyse comparée des deux modes d’accompagnement :
Persistance des troubles | Cohorte hors les murs | Cohorte dans les murs |
---|---|---|
Entre 1 et 3 ans | 50% | 75% |
Après 4 ans | 25% | 50% |
Au-delà de 4 ans, sauf cas exceptionnels, ces données restent constantes. Elles témoignent en fait, le plus souvent, d’une chronicisation « toxique » des situations.
À l’opposé, l’amélioration et les progrès des jeunes constatés dans la durée confortent le différentiel positif d’efficacité au profit de l’accompagnement hors les murs :
Progrès indiqués par les professionnels | Cohorte Hors les Murs | Cohorte Dans les Murs |
---|---|---|
Après 4 ans d’accompagnement | 75% des cas | 50% des cas |
L’analyse clinique montre que ces progrès ne sont pas univoques. Ils correspondent en fait, pour les sujets de la cohorte DM, à la diminution sur quatre années de l’intensité des symptômes sans disparition de ceux-ci et pour les sujets de la cohorte HM à une diminution plus rapide (trois années) des symptômes et surtout, dans la moitié des cas, à la disparition totale des troubles connotés par la violence.
Dans la même dynamique, l’analyse du devenir scolaire et socioprofessionnel des sujets confirme la plus-value de l’accompagnement hors les murs :
Devenir scolaire et socioprofessionnel des sujets | Cohorte Hors les Murs | Cohorte Dans les Murs |
---|---|---|
Adaptation scolaire normale | 60% | 18% |
Intégration sociale et professionnelle en milieu ordinaire | 70% | 20% |
Les constats et analyses issus de l’étude réalisée témoignent de la valeur ajoutée apportée par un accompagnement ouvert et inclusif. La personnalisation du parcours et son adaptation plus rapide aux besoins des jeunes accompagnés permet une progression et une adaptation comportementale et sociale plus efficace.
Ainsi, l’ITEP ne vient pas se substituer aux familles, écoles, employeurs, aide sociale à l’enfance et tout dispositif d’apprentissage ou d’éducation. Il vient, en se positionnant « à côté », permettre à l’environnement habituel de s’adapter à la situation singulière de la personne accompagnée.
C’est pourquoi, par exemple, le recours à « l’internat à défaut de placement » ne saurait être envisagé. De la même façon, la scolarisation à l’interne reste une exception bornée dans le temps ; une scolarisation en classe externalisée très adaptée aux difficultés du jeune (petites séquences d’une heure, une heure 30) lui est privilégiée.
Il s’agit de permettre aux personnes accompagnées d’accéder aux dispositifs de droit commun en étant accompagné pour le faire.
Agir sur l’environnement
En sciences, l’écologie est l’étude de l’activité d’une population dans son environnement. L’écologie humaine s’intéresse à l’impact de l’activité humaine sur l’environnement.
L’approche écologique des troubles du comportement vient s’intéresser, plus qu’à la personne elle-même, à la manière dont elle s’adapte à son environnement. Elle s’intéresse également au pendant : comment l’environnement s’adapte au comportement de la personne.
L’inclusion a longtemps été pensée comme une difficulté « parce que la personne n’est pas prête », sous-entendant qu’elle devait être réadaptée à un environnement. Si cela est parfois une réalité, cette position est beaucoup trop restrictive de facultés de l’environnement et de la personne. Régulièrement, nous notons que lorsque la personne accompagnée semble prête à vivre des expériences d’inclusion, c’est la société (l’école, la famille, le club…) qui n’est pas prête à le faire.
C’est là notre double mission d’accompagnement : accompagner les personnes, mais surtout, accompagner l’environnement à accepter la personne dans ce qu’elle a de singulier. Dès lors, les prestations d’accompagnements que nous menons doivent se tourner autant vers les personnes accompagnées que vers l’environnement qui les accueille.
Accompagner au plus proche du domicile
Le décret portant création des Dispositifs ITEP donne le ton d’un nouveau paradigme d’accompagnement : la logique de parcours. Il s’agit « d’éviter les ruptures », et de lutter, à l’inverse, « contre les logiques de filières trop systématiques ». C’est un enjeu fort qui se dessine derrière cette logique : proposer la bonne réponse (médicale, médico-sociale, sociale), au bon endroit, au bon moment.
Dès lors, les projets personnalisés co-construits avec les personnes accompagnées et leur famille prendront appui, en première intention, sur les ressources des territoires.
Que ce soit pour les accompagnements éducatif, pédagogique ou thérapeutique, une analyse des ressources du territoire en matière d’accompagnement permettra une sollicitation, éventuellement sous conventions, des solutions de proximité.
Lorsque les solutions de proximité ne sont pas accessibles, l’équipe interdisciplinaire amènera, à proximité des personnes accompagnées des propositions d’accompagnement.
Enfin, lorsque ni les solutions de proximité, ni le recours à des actions conjuguées au plus près du domicile ne sont possibles ou pertinents, le recours aux solutions « dans les murs » est à envisager pour des séquences de répit ou comme dispositif complémentaire de solutions de droit commun accompagné.
S’adapter autant que nécessaire
Depuis 2010, l’ITEP s’est engagé dans une approche dite « séquentielle » qui permet d’apporter des réponses au plus près des personnes accompagnées.
Ainsi, les modalités d’accueil, telles qu’elles sont présentées s’appuient sur la possibilité d’être mises en place :
- par séquences
- à temps plein ou temps partiel (modularité)
- avec pour seule limite de modularité : l’intérêt de la personne accompagnée
Un accompagnement par séquences
Pour que la progression de la personne ait du sens, nous choisissons de penser notre accompagnement sous forme de séquences, établies au regard de chaque projet personnalisé et donc chaque compétence.
Chaque séquence a un début et une fin. Elle a des objectifs qui permettent d’engager un travail précis, sur un aspect de la problématique, pour atténuer des difficultés rencontrées.
Le concept de séquences doit être considéré dans sa globalité, à l’internat, dans la vie sociale, dans la vie familiale et dans la vie scolaire ou pré-professionnelle.
Ces allers et retours guidés, contrôlés, évalués, vont favoriser le principe d’enfant accompagné et non placé en mobilisant davantage la personne accompagnée, son entourage et les partenaires.
En multipliant ces allers-retours, la personne accompagnée trouve dans les espaces éducatifs, un espace relationnel qu’elle peut solliciter pour mettre en mots ses expériences et son vécu.
Même si l’internat est justifié pour des séquences spécifiques ou des problématiques particulières, il entraîne des effets néfastes s’il n’est pas complété par des séquences éducatives en vie ordinaire.
Par ailleurs, l’étude de Guillarmé montre qu’il existe un « processus de contamination » négatif dans le fonctionnement des établissements et plaide pour des allers-retours réguliers entre « le dedans et le dehors ».
L’effet « aller et retour » est également utilisé pour permettre à la famille de s’appuyer sur ses ressources et développer (ou renforcer) ses compétences. Il s’agit de permettre aux parents d’être décideurs pour le projet de leur enfant et de reprendre du plaisir à vivre et partager avec leur enfant.
Toute rupture du lien avec sa famille, son quartier, sa fratrie, son environnement peut être néfaste à moyen terme.
La prise en considération du temps est alors indispensable. Nous tentons d’évaluer la période durant laquelle la personne accompagnée est capable de vivre la séparation avec sa famille, sans se sentir affectée au point de se sentir moins réceptive aux accompagnements (cet état émotionnel renforçant probablement les troubles du comportement).
Néanmoins, le temps de réassurance et de proposition d’autres modes de relations, dans ce dispositif «d’aller et retour», amène l’enfant à faire l’expérience de vivre en l’absence de ses parents, de partager et de s’amuser avec d’autres enfants, de prendre du plaisir à devenir autonome, à mieux se connaître parmi les autres, à se socialiser. Cela amène l’enfant à trouver en lui la ressource pour se construire, à prendre confiance en ses capacités.
Un accompagnement entièrement modulable
Il s’agit d’adapter, de manière souple, les modalités d’accompagnement en fonction des besoins et du projet personnalisé de la personne accompagnée.
Ces modulations de l’accompagnement sont construites en concertation avec la personne accompagnée, son entourage et les partenaires. Ainsi, l’accueil de jour peut-être pensé à temps complet avec un accueil de nuit 1 fois par semaine (à temps partiel).
L’internat modulable peut aussi être une alternative dans les situations où la personne accompagnée et la famille ne supportent pas de trop longues séparations qui pourraient entraîner un effet dommageable au lien familial et à l’accompagnement éducatif.
Des accompagnements combinés
Lorsque le recours à plusieurs modalités d’accompagnement semblent judicieux (accueil de nuit et suivi ambulatoire par exemple), nous mettons en place des accompagnements dits « combinés ». Il s’agit de démultiplier les effets de notre intervention en croisant les regards et les compétences autant que nécessaire.
Avancer par petits pas et s’orienter vers les solutions
Il ne saurait exister de théorie absolue quant à la manière d’accompagner une personne en ITEP. Ainsi, toute approche éducative, thérapeutique ou pédagogique ne saurait être enfermée dans un dogme idéologique.
Nous considérons que la manière d’aider une personne à résoudre ses problèmes doit toujours être développée sur mesure, pour pouvoir répondre à ses besoins uniques. Les théories sur les manières de penser et de se comporter risquent le plus souvent de nous enfermer dans des perceptions et des attitudes inadéquates.
En d’autres termes, alors que traditionnellement, une démarche de changement se penche sur les problèmes à résoudre, cette approche se centre sur les solutions à mettre en place. A côté d’une approche clinique (voir encadré) et étiologique indispensable, qui vient interroger la portée des symptômes présentés par la personne, nous pensons qu’il faut s’engager dans la recherche de solutions.
Un regard positif sur le changement
Pour accompagner cette visée soignante, notre approche doit être fondée sur un regard inconditionnellement bienveillant.
En dépit des difficultés de la vie et des failles de chacun qu’il faut respecter, toute personne possède des points forts qui peuvent être mobilisés pour améliorer sa vie. Les professionnels doivent respecter ces points forts et les directions dans lesquelles les personnes accompagnées et leur famille souhaitent les appliquer.
La découverte de ces points forts requiert un processus d’exploration conjointe entre la personne accompagnée, sa famille et les professionnels ; même un «expert» ne sait pas, en fin de compte, ce que les personnes ont besoin d’améliorer dans leurs vies.
Explorer les points forts détourne de la tentation de juger les personnes accompagnées à propos de leurs difficultés. Cette recherche pousse à découvrir comment ils ont réussi à surmonter les moments les plus difficiles.
La confiance instaurée, entre les personnes accompagnées et celles qui les accompagnent, permet alors d’évoquer la situation dans son ensemble. Les différences, les failles, les difficultés, les forces, sont autant de ressources qui sont mobilisables pour permettre à la situation d’évoluer.
L’attention est orientée vers ce qui évolue. Tout change. Ceci induit que le mouvement est inévitable. Un problème qui persiste est alors une question de point de vue : la personne se focalise sur ce qui n’a pas évolué selon elle.
L’accompagnement de personnes en ITEP nous amène à penser que même de petits changements créent parfois des mouvements plus forts au sein du système familial ou scolaire. Pour cela, notre mission est d’accompagner cette capacité des personnes à les percevoir.
Se positionner comme des personnes « ressources »
Le pas de côté que doivent opérer les professionnels est alors essentiel pour mener à bien la démarche d’évaluation participante que nous défendons. Il s’agit de se considérer et se présenter comme l’une des personnes avec ressources .
L’éducateur, l’enseignant, le thérapeute, le chef de service, sont des personnes avec ressources, formées pour l’accompagnement de la personne.
Les professionnels permettent à la personne (et aux personnes de leur entourage), de prendre des décisions pour elles-mêmes. Ils apportent leur éclairage et leurs compétences à une personne qui doit faire face une situation handicapante. Si ténue soit la différence de positionnement, elle redistribue les cartes du pouvoir d’agir.
Rien à propos de nous, sans nous !
Dès lors, plusieurs notions sont à ré-interroger :
la place de la famille,
la place des personnes accompagnées,
la place du référent.
L’établissement de demain devra laisser place à un travail avancé avec les familles. Il est courant d’entendre dans l’établissement que les familles doivent être partenaires.
Les parents ne sont pas des partenaires. Ils sont plus que cela. Ils sont « responsables de l’éducation et de l’épanouissement de leur enfant, liés à lui par la filiation, personnages déterminants de sa construction identitaire » nous dit DUBREUIL. Les pratiques professionnelles devront donc tendre vers le « faire ensemble », plus que le « faire avec ». Cette question va intiment percuter la notion de référent.
De son élaboration à son animation, le projet personnalisé, dont l’usager devra devenir le sujet (et non l’objet), devrait alors poursuivre l’évolution qu’il a commencé.